samedi 31 octobre 2020

Réflexions éthiques




Depuis plusieurs semaines, je travaille sur l'équipe mobile de soins palliatifs.
L'autre revers de la spécialité qui a un rôle de conseil, soutien d'équipe, aide à la décision éthique et proposition de co-analgésie, entre autres.

J'aime beaucoup cette partie du métier qui nous permet d'avoir suffisamment de recul pour avoir un regard neuf et extérieur sur des situations complexes.
La réflexion en équipe pluridisciplinaire est enrichissante et passionnante.

Deux cas m'ont interpellée cette semaine, deux cas riches en discussions, confrontations de points de vue et réflexions éthiques.

En début de semaine, nous sommes contactés par un néphrologue pour un souhait d'arrêt de dialyse.
Mr H. a 66 ans, il est atteint d'une insuffisance rénale chronique depuis l'âge de 18 ans.
Une première greffe rénale a tenu 12 ans.
La seconde, don de son fils, a tenu un mois. Le rejet du greffon a été rapide et douloureux psychologiquement pour le patient.

Mr H. subit des séries d'hémodialyse depuis 4 ans, 3 fois par semaine. C'est un traitement long et fastidieux pour lequel il faut suivre un regime strict.
Le patient réitère sa demande d'arrêter ce traitement en toute connaissance de cause. 
Il sait qu'en stoppant l'hémodialyse, il va mourir.

Je rencontre donc Mr H. pour la premiere fois en début de semaine. Je suis avec un médecin.
Il arrive seul, en voiture, de façon complètement autonome.
Il est déterminé, ferme et très organisé.
Il a tout prévu, jeudi, c'est sa dernière séance. Ses enfants sont préparés et au clair. Il a prévenu les pompes funèbres, réglé tous ses problèmes administratifs, jusqu'à l'adoption de son chien.
Il semble en paix avec lui-même, je le trouve serein. 
Il nous explique qu'il est malade depuis presque 50 ans, qu'il ne supporte plus les soins lourds et répétitifs, il en est malade, il somatise, il est à bout.
Évidemment, il a rencontré différents médecins et psychologues. Visiblement, c'est une décision mûrement réfléchie.

Notre rôle est de l'accompagner sans jugement.
Nous organisons une hospitalisation pour le week-end parce que des symptômes importants vont vite apparaître.
Il est soulagé de savoir qu'il va être pris en charge, il a peur de souffrir.

Nous rentrons dans nos locaux et nous exposons l'histoire de Mr H. au reste de l'équipe.
Je suis surprise de constater que la moitié de mon équipe est en désaccord avec ce projet d'arrêt de soins.
Je suis confrontée à des réflexions opposées aux miennes. Je suis bouleversée.

J'entends les questionnements éthiques de mes collègues :
"Nous allons vers un suicide assisté"
"Je connais ce Mr, il est dépressif chronique"
"Il n'y a pas d'équité avec d'autres patients qui aimeraient que ça cesse aussi"
"Il est autonome et ne présente pas de symptômes"
" Son lit est réservé en unité de soins palliatifs, il prend peut être la place de quelqu'un qui en aura besoin"

Alors pourquoi, lors de cet entretient, j'ai été à l'aise avec cette décision ?
Me suis-je protégée derrière le fait que le patient est dans son bon droit d'arrêter ses traitements y compris la dialyse ?
Dans le cas de Mr H., en souffrance existencielle, l'hémodialyse est-elle un traitement déraisonnable ?
La loi est claire, un patient a le droit de refuser un traitement et la loi est également claire sur le fait que la médecine doit soulager les symptômes, c'est un devoir.

Pourquoi l'arrêt de l'hémodialyse soulève tant de débats ?



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Partageons !

L'éthique de l'écriture